LA PUISSANCE DU SIGNE DE L’OBJET DE LUXE

L’HIRONDELLE a rencontré Patrice Duchemin, sociologue de la consommation, afin de recueillir son point de vue sur la convergence des Maisons de luxe et de l’art. Conférencier, il est aussi auteur de différents billets d’humeur sur l’air du temps publiés régulièrement sur les réseaux.

Vers une fétichisation de l’objet artistique

Il est important d’observer l’évolution du statut de l’objet provoquée par la mondialisation et les réseaux sociaux.

Avant, l’objet de luxe était apprécié pour ses qualités intrinsèques : son niveau de sophistication, les métiers artisanaux impliqués, son histoire patrimoniale et, bien sûr, son utilité.

Aujourd’hui, l’apparence l’emporte sur la fonction et la valeur prime sur la forme. L’objet est devenu signe.

L’objet s’éloignant de sa fonction, on achète un objet de luxe pour le montrer, le revendre et pour capitaliser sur sa valeur.

Ainsi, le prix du sac Chanel voit son prix augmenter sans que cela ne soit préjudiciable à ses ventes.

Tout ceci illustre le glissement du monde du luxe vers celui des objets d’art.

 La convergence de l’art et du luxe : la rareté

Aujourd’hui, les marques de luxe se comportent comme des galeries, des médiateurs culturels.

Ainsi, l’École des Arts Joailliers soutenue par la Maison Van Cleef&Arpels propose de transmettre le savoir-faire des métiers de la haute joaillerie, faire découvrir l’histoire du bijou et s’approprier l’univers des pierres précieuses.

Les boutiques se rapprochent aussi du style des galeries d’art en y présentant des œuvres d’art qui peuvent y être admirées. C’est le cas de la Maison Yves Saint Laurent. Chez Loewe, on a pu contempler une sélection des pièces de ses collections historiques mais aussi y découvrir une exposition pensée une constellation d’images réunissant des œuvres marquantes de l’art contemporain.

La raison de cette nouvelle tendance est liée au fait que l’objet de luxe s’étant vidé de sa substance, les marques sont en quête de nouvelles formes de distinction. Elles cherchent à conjuguer à travers leur espace rareté, exclusivité et clarté. Il y a peu de choses à regarder, mais c’est exceptionnel.

Après les concept-stores, les magasins galeries ouvrent une nouvelle page de l’histoire des marques de luxe.

Le luxe et l’art : une nouvelle notion du temps ?

La boutique de luxe créatrice de rareté coexiste avec l’engouffrement des marques de luxe dans la vente d’objets vintage.

Le vintage absorbe le présent, le passé et l’avenir. Et les boutiques de luxe font disparaître le présent au profit de l’instant, de l’immédiateté de l’expérience.

Il est parfaitement concevable que l’évolution aille vers une offre simplifiée avec des codes, des repères et des valeurs sûres et rassurantes pour le client.

Une nouvelle forme d’intemporalité du luxe ?

 

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