L’ART DÉCO : LA MODERNITÉ INTEMPORELLE

Grande rétrospective au MAD en 2025 sur les 100 ans de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. L’occasion pour L’Hirondelle de recueillir en avant-première le regard de Emmanuel Bréon sur l’universalité rayonnante du premier style international : l’Art déco.

Emmanuel Bréon est Commissaire général de l’exposition, ancien Conservateur du musée des années 30 à Boulogne-Billancourt et Commissaire des deux expositions à la Cité de l’Architecture « Quand l’art Déco séduit le monde » en 2013 et « Art déco France/Amérique du nord » en 2022.

1) L’exposition de 1925 : un succès au retentissement international

Quoique très critiquée par l’élite artistique française, c’est l’exposition universelle qui aura le plus de succès auprès du public et d’influence dans le monde entier. Les Etats-Unis n’auront de cesse de faire appel aux idées des architectes, décorateurs, peintres et sculpteurs français pour réaliser de prestigieux chantiers. Paul Iribe travaillera pour Hollywood et dira « J’aime la modernité de Broadway, mais ne faites plus de grattes ciels néo-gothiques et adoptez le style Art déco » !

Il faut rappeler que vingt et un pays, pour la plupart européens (sauf l’Allemagne), participent à cette grande rencontre. L’Asie est représentée par la Chine, le Japon et la Turquie ; l’Afrique par les colonies françaises et les pays sous mandat français.

2) Les pavillons : la vitrine brillante et inventive des arts décoratifs

L’exposition internationale se tient à Paris, sur l’esplanade des Invalides, les quais rive gauche et rive droite et les alentours du Grand Palais et du Petit Palais. Ses pavillons resteront légendaires, comme « L’Hôtel du collectionneur » de Pierre Patout et Jacques Émile Ruhlmann, « Une ambassade française » réalisée par la Société des artistes décorateurs, la « Rue des boutiques » représentée par des Maisons prestigieuses (Lalique, Puiforcat, Cartier…), le « Pavillon de l’élégance » et les trois péniches de Paul Poiret (Amour, Délice et Orgue)et les ateliers d’art des grands magasins -Primavera, Pomone, Studium.

Le MAD nous proposera de parcourir l’imaginaire de ces lieux à travers une sélection d’objets et d’archives afin de cerner « l’état d’esprit du style Art déco » : le mouvement trépidant de la période, l’émergence de la femme moderne, le rayonnement de l’élégance dans la mode et la beauté, l’influence internationale de l’Art déco, la collection de Jacques Doucet, l’appartement de Jeanne Lanvin et de redécouvrir les collections permanentes réinstallées pour l’occasion.

3) L’Art déco :  le symbole de la modernité

L’exposition de 1925 est le marqueur des transformations de la vie quotidienne.  La France a en effet changé de visage au lendemain de la guerre de 14-18 :  avancées technologiques dans l’aviation et l’automobile, mécanisation et machinisme, développement de la mobilité et des voyages (train, paquebot…). Tout va plus vite désormais.

Cette période signe l’ouverture sur le monde favorisée par le cinéma, la photographie. C’est aussi l’émancipation des femmes garçonnes à la coupe courte et en sportswear qui s’exprime par de nouvelles formes d’élégances signées Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet, les sœurs Callot. C’est l’ère des couturiers-parfumeurs (Paul Poiret, Coco Chanel) avec des fragrances audacieuses (Shalimar de Guerlain en 1925, Arlequinade des Parfums de Rosine en 1923, N°5 de Chanel en 1921). Se dessinent des nouvelles formes de bijoux et d’accessoires de mode (comme le fume-cigarette …) sublimés par les grands joailliers Cartier, Raymond Templier, Georges Fouquet…. Sans oublier la révolution des intérieurs avec l’introduction de matériaux exotiques et précieux magnifiques, la création de meubles répondant à de nouveaux usages (table basse inspirée des arabes et de la Chine) et enfin l’expression des désirs de modernité dans l’art de la table (Jean Puiforcat, Jean Luce)…

4) Le style Art déco : « un logiciel de formes personnalisable »

 Les artistes inventent une esthétique assumant l’entrée dans la modernité. En réaction à la complexité de l’Art nouveau, l’Art déco révèle un « nouveau style » : simplification, géométrisation, ligne droite.

L’Art déco donne le ton. Il innerve tous les domaines : mobilier, arts du feu (céramique, verre, fer forgé), mode, joaillerie, parfums, architecture. S’en emparent les grands ensembliers (Jacques Émile Ruhlmann, Jules Leleu, Pierre Chareau…) qui sollicitent tous les métiers d’art traditionnels.

Autre caractéristique très importante : cet art s’adresse à tous, du dessous de plat quotidien bon marché au mobilier le plus luxueux parce qu’il est industrialisable. Il peut donc être standardisé par la reproduction d’un motif, d’une ligne et se diffuser.

5) L’héritage Art déco : l’imaginaire du glamour à l’échelle internationale

Le style s’impose et se perpétue 100 ans après. Il est essentiel de souligner que l’Art déco est le premier mouvement esthétique français d’envergure internationale. Il s’exporte et influence de façon incroyable la Chine, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis qui ont été jusqu’à créer des « Art déco society » au sein de grandes villes rassemblant des afficionados qui existent toujours !  Il est amusant de rappeler que Miami détruit en 1926 par un ouragan a été reconstruit dans le style Art déco.

C’est le triomphe de la « French touch » dans le monde qui séduit toujours. L’Art déco évoque une période glamour inventive et ouverte, illustrée notamment par le succès du film Titanic.

Sa signature épurée, intemporelle et transgénérationnelle perdure. Elle investit notamment la décoration : papier peint à l’esprit « Gatsby le magnifique », motifs géométriques, dorure, marbre et laiton…, Les grands hôtels dans le monde continuent de sublimer le style Art déco.

 

 

 

 

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