Les plateformes de marques tendent à être des documents convenus avec une structure et un champ sémantique qui pourraient s’appliquer à toutes. Dans l’art de vivre, les marques veulent être bio, en phase avec les impératifs planétaires du développement durable, illustrer leurs valeurs, le sens de leur engagement, rassurer le consommateur avec un discours sécuritaire, séduire les millenials…Comment peuvent-elles revendiquer une singularité dans ce pêle-mêle de notions galvaudées ?
Ressentir et incarner la singularité de votre marque sont les maîtres-mots de la plateforme de marque afin de mieux raconter son histoire, mettre en scène la cohérence de sa gamme de produits, traduire visuellement et sémantiquement son/ses univers et ainsi se différencier face à une concurrence encombrée.
La méthodologie en 10 points proposée par L’Hirondelle, tout en s’inspirant des principes de la plateforme de marque, se rapproche davantage de la « brand romance ©» qui permet de mieux dévoiler et révéler en mots et en images, l’identité narrative d’une marque.
1. Définir l’objectif de la plateforme de votre marque
Il est important de bien comprendre les motivations de la marque à l’origine de la commande. Une quête d’identité ? Des valeurs à promouvoir? Recherche d’une histoire ? Quelle vocation ? Quelle vision ? Souvent, elle n’y voit plus clair. Emportée par la rapidité du marché, elle lance et commercialise de nombreux produits, communique sur tous les fronts et peut avoir tendance à « s’oublier » quelque peu en confondant ces différentes notions pourtant fondamentales.
La plafeforme de marque est l’occasion de réancrer la marque, définir qui elle est, où elle veut aller, ce qu’elle doit raconter et comment elle doit le traduire dans son discours visuel et sémantique et par voie de corollaire, quel univers elle doit créer pour tisser un lien fidèle et pérenne avec ses clients.
2. Storytelling : s’imprégner de l’histoire d’une marque
Il est capital de se plonger dans l’univers de la marque. Cela veut dire quoi ? C’est s’immiscer dans son patrimoine et ses coulisses : si l’histoire de la marque est ancienne, il faut remonter à la période de sa création et « entendre parler » le fondateur et/ou les autres protagonistes, de façon à retracer le cheminement de leur pensée. Comment Isaac Carasso a eu l’idée de créer des yaourts Danone, comment Eugène Schueller, chimiste de formation, accompagne les modes et crée un nouveau besoin, la teinture des cheveux…
Raconter cette histoire, c’est aussi restituer l’ambiance et le contexte d’une époque, émaillé souvent de propos visionnaires très utiles pour nourrir la réflexion ! En fonction de la documentation mise à disposition, cela revient à « habiter leurs mots, une époque et leurs désirs créatifs ». Car même si le contexte de la marque a totalement changé, il y a forcément un fil rouge !
3. Sémiologie : analyser les étapes de la vie de la marque
Mieux comprendre son évolution passe par l’analyse du corpus constitués des produits (packagings), des publicités, des différents supports de communications. Le recours à la sémiologie permet de cerner son territoire d’expression sémantique, les aspects visibles et invisibles de sa communication, percer le mystère de ses signes et symboles visuels, comprendre les differents faisceaux de sens d’un message, décrypter son écosystème à travers le temps. Cette exploration analytique sert à construire des typologies, définir les marqueurs identitaires de la marque et ses éventuels dérapages…
4. Brosser le portrait des consommatrices
Étude quantitatives, étude de cibles, les supports de communication sont indispensables pour définir avec rigueur la cible actuelle et celle que la marque voudrait atteindre. Il est idéal d’écrire comme des petites « bios » sous la forme de tranches de vie. C’est une manière indirecte d’incarner la marque et d’anticiper sur la définition rédactionnel et sémantique qui caractérise et signe la marque.
5. Ecouter et comprendre la perception des salariés
Interroger les salariés de l’entreprise est une étape importante pour faire le pont entre hier et aujourd’hui, entendre leur appréciation personnelle sur la marque. Ces interviews faciliteront la co-construction du récit. Il faut faire au moins 4-5 entretiens individuels pour avoir une vision globale qui permet de prendre de la hauteur et de valider les hypothèses.
6. Dessiner les piliers fondateurs de la marque
Vient le moment de définir le territoire de la marque, autrement dit sa vocation à travers son/ses métiers, la fonction à laquelle répond sa gamme de produits, son rôle sociétal aujourd’hui. C’est comme une maison avec ses fondations, ses différents étages, ses escaliers, son toit…
7. Comparer le territoire de la marque avec celui de la concurrence
Il ne faut pas sous-estimer cette étape qui nécessite de passer au peigne fin les concurrents directs, mais aussi connexes en termes d’univers et de discours. Par exemple, l’univers de la gastronomie peut inspirer une marque cosmétique dans son discours gourmand et sensoriel.
8. Tirer le fil de la singularité de la marque
Plus les caractéristiques spécifiques à la marque sont soulignées avec justesse et acuité, plus il sera facile de faire émerger le « paysage émotionnel » des activités de la marque. Il se traduira par un concept créatif, des verbatims, une promesse et une signature de marque. Un texte concis et synthétique doit rassembler le socle fondateur, les piliers intangibles de la marque.
9. Traduire visuellement l’univers de la marque
On n’est pas encore à l’étape de la création artistique (logo, style graphique, photos…) mais sur des intentions. Les moodbaords sont à ce titre un exercice très intéressant qui traduisent différentes pistes de réflexion visuelle afin de permettre à la marque de se projeter : atmostphère, mise en scène des produits, textures et matières, gamme de couleurs, objets et accessoires d’appoint, look et style des mannequins… Attention, la recherche de visuels doit être subtile et poser les jalons de l’histoire identitaire de la marque et sa vocation.
10. Construire l’univers sémantique de la marque
Raconter une histoire passe par les images, mais aussi par les mots.
Les étapes d’analyse conduisent naturellement vers un champ sémantique et lexical en adéquation avec l’univers de la marque : registre linguistique, ton éditorial, schémas narratifs… Il est important de l’illustrer par des exemples rédactionnels concrets sur la marque, ses produits …
La marque dispose d’une « brand romance ©» concise et vivante qui signe l’univers et l’identité de la marque. Elle sert de matrice, de « bible » en donnant des repères, des références propices à la réflexion de l’équipe interne. Elle est un préalable indispensable à la phase créative qui comporte la charte graphique et éditoriale.