LA SURPRISE DES RITUELS
« Les rituels créent des petits mondes » Émile Durkheim
Le yoga du samedi matin, le jogging au parcours identique, le déjeuner dominical familial, la pause-café entre collègues, l’histoire racontée aux enfants avant le coucher, la routine beauté, sans oublier Noël, les crémaillères, les mariages, les anniversaires…
Pourquoi tous ces gestes et autres repères nous sont-ils si essentiels ? Les rituels sont une manière plus ou moins inspirée par la tradition, par quelque chose qui nous dépasse, d’organiser le quotidien par des moyens d’expression corporelle et verbale, plus ou moins répétitifs, avec une charge symbolique plus ou moins forte. Ils sont une boussole, ils rassurent et permettent de vivre avec les autres. Ils rattachent au présent, ils associent l’individu à une communauté, ils rassemblent des croyances, des valeurs, des désirs, des aspirations, des choix de société.
Claude Lévi-Strauss avait raison : le rituel perdure parce qu’il est utile aux hommes, parce ce qu’il fait du bien. C’est presque une vision darwinienne du rituel : à partir du moment où il ne fait pas de bien ou ne sert pas la société, il n’a aucune vocation à rester.
Ces habitudes, traditions et autres codes sociaux qui tissent nos vies de tous les jours ont été quelque peu chahutés par la covid. Et pourtant, les rituels sont aujourd’hui l’ossature de notre quotidien pour nous permettre de ne pas être dans l’inconnu, de savoir exactement quoi faire, quelle gestuelle, quelle organisation, quelle pratique réaliser pour ne pas être démuni face à ce flot d’imprévus liés à la covid : distanciation sociale, port du masque, gestes barrières.
Face à ces repères nécessaires solidement ancrés dans nos vies actuelles, les Français se sont aussi ouverts à des formes d’expression rituelles plus personnelles : nouveaux gestes pour faire de la cuisine maison, activités manuelles pour promouvoir le Do It Yourself, nouveau cérémonial associé aux exercices de détente et de bien-être…On pourrait dire qu’il s’agit de toute une série de mécanismes de défense qui s’est mise en place, motivée par l’idée de rythmer et structurer la journée, continuer à nouer du lien avec ses proches ou encore partager des moments de vie.
Finalement, assisterait-on à l’émergence d’une ritualisation de son cadre de vie pour lui donner un nouveau sens ? La mécanique bien huilée du rituel convoquerait-elle paradoxalement une dose de fraîcheur et de fantaisie pour permettre à chacun de s’ouvrir à de nouvelles expériences créatrices et ainsi accueillir l’imprévu ?
Vivre ne serait-il pas une incessante improvisation avec laquelle jouer et composer avec « son petit monde de rituels » ?
Article rédigé par Anne-Sophie Tournier, fondatrice de L’HIRONDELLE