LES LIEUX-PORTRAITS DE MARIE-ANTOINETTE : SES PETITES RÉVOLUTIONS
« C’est sa terre réservée et bienheureuse consacrée aux plaisirs jusqu’à l’oubli de tout et d’elle-même » Stefan Zweig
Un air de liberté et d’élégance souffle avec émotion sur les espaces intimes de la Reine Marie-Antoinette où la souveraine nous chuchote encore aujourd’hui les secrets de sa présence éternelle.
Ces lieux, reconstitués grâce à l’interprétation des inventaires des maisons royales et restaurés dans les règles de l’art, reflètent en effet sa personnalité attachante et romanesque. En pénétrant dans l’intimité de la Reine de France à la fois délicate, coquette, libre, spontanée et incroyablement moderne, on découvre une femme qui a su s’affranchir des conventions, qui décide de vivre ce qu’elle a envie d’être en recréant son espace personnel.
« La Viennoise légère et jouisseuse s’est toujours sentie étrangère dans le solennel palais de Versailles. Elle lutte contre l’artificiel de ce milieu qui est le sien par son mariage ».
La bibliothèque, le cabinet de la Méridienne, la salle à manger, sa garde-robe, le cabinet de sa collection d’objets en laque du Japon, la pièce des bains évoquent avec délice les pans de vie de la souveraine. Marie-Antoinette donne le ton à ces endroits qui lui correspondent, entre la joie de vivre et le rejet de l’étiquette royale. Les pièces à vivre, le mobilier, les objets revendiquent son goût affirmé et posent sa conception audacieuse des codes de la mode et de l’élégance. L’ensemble fait miroir au microcosme de sa vie. Tandis que sa singularité témoigne de ses passions artistiques et décoratives.
Sur son secrétaire marqueté, on l’imagine faire sa correspondance, raconter à sa mère Marie-Thérèse ses projets de décoration, écrire de tendres lettres à l’élu de son coeur Axel de Fersen. Sur sa belle harpe, elle aime jouer à ses amies quelques notes de son compositeur favori Glück. Elle désacralise la tenue d’apparat royal et choisit avec joie une robe légère dite de Gaulle très osée. Elle fait appel à Léonard pour oublier le pouf alambiqué et lui préfère une perruque désordonnée et naturelle devant sa coiffeuse de Riesener. Nouveauté pour l’époque, son éducation autrichienne hygiéniste la pousse à multiplier les pauses délassantes dans sa baignoire parfumée tapissée de lin, à commander des parfums à la rose à Jean-Louis Fargeon, dont le talent est de transcrire en senteurs l’âme humaine. Elle demande à sa femme de chambre Madame Laborde de lui faire la lecture de Beaumarchais et Rousseau, écrivains avant-gardistes, dans des livres soigneusement reliés en maroquin et issus de la remarquable bibliothèque ornementée de rinceaux. Et la liste n’est pas finie : les murs en toile de Jouy, la chiffonnière, le serre-bijoux et tant d’autres menus objets si délicats respirent l’audace et l’inclination innée de la Reine pour la légèreté et la liberté.
Ses appartements intimes seraient-ils l’illustration de ses petites révolutions qui signeront pour longtemps les nouvelles couleurs d’un style artistique dans la mode, les arts décoratifs, l’architecture et la cosmétique ? Marie-Antoinette continue de nous parfumer avec délice de son tempérament vif, audacieux et indépendant qui explique son image intemporelle.