LA VILLE EST-ELLE CONTRE-NATURE ?
A« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur » Winston Churchill
La ville palpite de mille et une respirations. Et pourtant, les images de Paris désert en mars 2020 resteront historiques. Pour la première fois dans l’histoire du monde, les villes ont cessé leur activité. En cause : la covid qui a sévi dans les grandes villes du monde entier, même si ce n’est pas la première fois dans notre histoire (typhus, choléra, peste…).
En 2050, les deux-tiers de l’humanité vivront dans les villes. Aujourd’hui, vivre en ville soulève une nouvelle équation à résoudre et notamment pour les français qui plus que jamais, s’interrogent et aspirent à vivre à la campagne. La ville attire mais suscite diverses formes de rejet.
Petit coup d’oeil dans le rétroviseur sur l’origine de la ville . Saviez-vous que son modèle remonte au IVè siècle avant JC, avec la ville d’Uruk, située entre le Tigre et l’Euphrate, au cœur de l’ancienne Mésopotamie ? Et pourquoi ? Ce serait les conditions climatiques difficiles qui incitèrent les hommes, à mettre leur force de travail en commun pour creuser des canaux, irriguer les terres, produire… « La ville nait finalement d’une révolution agricole. Grâce à la captation, au détournement de l’eau, à la pratique de la jachère et à l’hybridation des plantes, les productions augmentent sensiblement et provoquent des excédents. Donc des stocks, qu’il faut bien entreposer, conserver, comptabiliser, qualifier, échanger, protéger. La ville n’est pas un gros village qui se serait étendu, mais une organisation de fonctions diverses » de Bernard Roth (Président d’honneur de l’Association Architecture et Maîtrise d’Ouvrage AMO).
Y grouillent les prêtres qui administrent le blé, les nobles qui surveillent… et l’écriture est devenue clé pour communiquer. Finalement, toutes les fonctions constitutives de la ville sont réunies : la taille croissante de son agglomération, la hiérarchisation de la société, la présence d’un pouvoir religieux, politique, d’une vie artistique et culturelle et l’édification de monuments, symboles de son pouvoir rayonnnant.
Uruk devient alors une ville monumentale élégante associée au roi Gilgamesh où il fait bon vivre au cœur des jardins, vergers, palmiers, jardins intérieurs dans les maisonnées, sans oublier les éléphants, les buffles, les ânes, les chèvres…
La « civilisation urbaine » est née. Les villes ne cessent de se développer depuis, avec toutes sortes d’esthétiques architecturales. Les grecs seront les promoteurs de l’organisation des villes en damier qui vont germer « comme des grenouilles autour d’une mare », selon Platon, tandis que les romains assainiront les voies stratégiques et apporteront le décorum monumental prestigieux et ses lieux de plaisirs (arène, théâtres…).
De fait, l’homme a toujours imaginé des solutions de bon sens depuis l’aube des temps pour s’adapter . Non, la ville n’est pas contre-nature : ce sont des raisons liées au climat, à la nature et à la biologie humaine qui fondent, dessinent et transforment la ville, l’aménagement urbain, ses parcs, la forme de ses bâtiments et son mode de vie, selon l’architecte suisse Philippe Rahm. Et plus que jamais la ville doit continuer d’être façonnée par l’écoute de ces phénomènes.
La ville ne disparaîtra donc pas. Elle bruisse d’inventivité. Bien vivante, elle est en chantier permanent, avide de nouveautés, de rêves improbables. Elle raconte à travers ses pierres et ses légendes le passé et l’avenir. Marguerite Yourcenar ne disait-elle pas que « les villes portent les promesses d’époques futures » ?